jeudi 31 mai 2018

> Le poème du jeudi (#55)




Au début l’encombrement d’une vache morte est phénoménal. Mais très vite on peut en ajouter une, en ajouter une, en ajouter une.
Nous sommes devenus à notre tour comme de toutes petites vaches assoiffées. Je sais très bien que la pluie est là, qu’elle est ici dans nos cœurs, nos cœurs qui n’ont rien laissé filtrer.
Les vaches aimaient la pluie. Elles auraient pu facilement aimer autre chose comme nous : l’esprit, la méthode, la puissance. Mais c’est l’eau du ciel finalement qu’elles aimaient.

/

Frédéric Boyer, in Vaches. P.O.L. 2008.

jeudi 24 mai 2018

> Le poème du jeudi (#54)



(En souvenir du chemin)

A l’instant même
où le sang emporte le corps
je veux une expédition.


Ça ne nous intéresse pas l’espoir, petits garnements
Ça ne nous ntéresse pas le voyage.


A l’instant même de partir en expédition
ça  ne nous intéresse pas la ville.


Le sang ça ne l’intéresse pas le corps
à l’instant où je meurs.

/

Salih Ecer, in La dernière langue de Sumériens était le serpent. Traduit du turc (Traduction collective relue et complétée par Claude Esteban et Rémy Hourcade. Royaumont) Les cahiers de Royaumont, Éditions Créaphis, 2000.




jeudi 17 mai 2018

> Le poème du jeudi (#53)




Portrait imaginaire 3


Je ne sais pas poser les mains sur les touches
du piano, laisser les doigts enlacer l’émotion
puis la relâcher, je ne sais pas


Mettre le bémol sur une portée
donner le la d’une parfaite mélodie, ne sais pas
taper du pied, pas
battre l’exacte mesure, pas entrer
dans le cadre, garder le rythme
du cœur, dire voilà
c’est moi.

 /

Hélène Dorion, in Comme résonne la vie. Bruno Doucey, 2018.

jeudi 10 mai 2018

Le poème du jeudi (#52)


quelqu'un n'est plus là. Quelqu’un flotte le ventre gonflé d'eau, ses yeux s'effacent. Quelqu'un est un arbre abattu en plein sommeil. Quelqu'un vous empêche de respirer. Quelqu'un voudrait entendre une berceuse.

/

Gaspard Hons, in Petites Proses matinales. Rougerie. 2012.

jeudi 3 mai 2018

> Le poème du jeudi (#51)


Ce qui vient


Ce qui vient
effleurons-le du bout des yeux
pas plus pour le moment


continuons un peu à marcher
en lisière des choses
sur la pointe des pieds
à l'entour des prairies


un jour tu me raconteras le passé
celui qui a parlé
et parle
dans le froissement de ta corolle
soie diaphane et épines mêlées


dans la haie d'aubépines
tu viendras t'allonger
déposer ton repos
comme on lâche un sanglot


continuons à flâner
pas plus pour le moment

/

Isabelle Pellegrini-Alentour, (poème traduit du corse par Lucia Santucci) in Terres de femmes / Terre di done, 12 poètes corses. Anthologie bilingue coordonnée par Angèle Paoli. Editions des Lisières, 2017.